[Théâtre – Critique] Bérénice (Jean Racine) à la Comédie Française

Bérénice, c’est un drame, une tragédie du répertoire classique de Racine, en vers. Du 22 septembre au 27 novembre, à la Comédie Française, Muriel Mayette offre une Bérénice sobre mais envoûtée, passionnée, emportée par un trio de comédiens qui amène le tragique au-delà du classicisme. Le spectateur, dans la salle Richelieu, saura apprécier la mise en scène, les décors et sera sans nul doute envahi par le texte, sublime, du dramaturge français du 17ème siècle.

La Comédie Française souffre d’une image vieillotte auprès de certains, poussiéreuse et soporifique. Encourageons-les à se précipiter dans le temple du théâtre classique, qui, depuis de nombreuses années déjà, s’efforce de mettre le répertoire entre les mains de metteurs en scènes audacieux, parfois minimalistes certes, mais qui rejettent au loin l’image ennuyante de la Comédie Française. Muriel Mayette, sans sombrer dans l’excès de mise en scène, offre un décors imposant, mais simple, et des costumes sobres et contemporains, comme pour mieux mettre en avant la puissance du texte de Racine.

Tout est et doit être au service du texte au théâtre. La Comédie Française l’a toujours compris et ce Bérénice en est encore un bel exemple. L’histoire de cette tragédie n’est complexe, elle est épurée. Et c’est souvent de situations aussi simples que naît l’épouvantable drame : les tourments éprouvés par les personnages sont aussi profonds que leur situation ne nous paraît pas impossible! Ici, un trio amoureux, et entre eux, le pouvoir. Bérénice, Titus et Antiochus vont se livrer, de leur âme à leurs chagrins, de leurs regrets à leurs espoirs jusqu’à la sagesse… Bérénice et Titus s’aiment, veulent s’épouser mais leur union est impossible, Titus ne pouvant épouser une Reine, la Cité ne l’acceptant pas. Antiochus, amis de Titus, est secrètement amoureux de Bérénice depuis de nombreuses années, et préfère partir plutôt que de souffrir de l’union de ses deux amis. Cependant, il se trouve dans la situtation délicate d’annoncer à Bérénice l’impossibilité de son union avec Titus… S’ensuivent des pleurs, des monologues émouvants jusqu’à la scène finale, pleine d’espoir et de tristesse, de douleur aussi. La force de Bérénice réside aussi et surtout dans ce dénouement, inhabituel dans l’imaginaire collectif de la tragédie…

Bérénice est une femme forte, une héroïne au charisme et à la sagesse époustouflant, qui en font un des personnages féminins de la littérature et du théâtre les plus remarquables….

Dans la mise en scène de Muriel Mayette, on est loin du classicisme habituel, costumes et décors d’époque : ici, nulle toge, juste quelques colonnes, imposantes, comme pour mieux souligner le jeu de « cache-cache » bien involontaire des trois héros. Ce décors rappelle celui d’Andromaque, mis en scène déjà par Muriel Mayette, fin 2010-début 2011. Et en première réaction, on pense à un recyclage…  Mais peut-être s’agit-il finalement, d’une continuité dans la mise en scène de Racine par M.Mayette.

L’âge de Martine Chevallier, un peu âgée pour une Bérénice, pouvait faire douter de la crédibilité de la pièce. Cependant, le talent de l’actrice et le texte de Racine nous font vite oublier ce détail, l’âge n’étant que futilité dans le tourbillon des amours, contrariées ou épousées… De son côté, Aurélien Recoing, dont on avait pu entendre, ici ou là, quelques réserves sur sa prestation lors de la saison dernière a été convaincant.

Une réussite, sans pour autant être un chef d’œuvre mais une réussite tout de même… Ne boudons pas notre plaisir…

Rick Panegy

Voir aussi l’article sur Andromaque (Mis en scène Muriel Mayette) Comédie Française

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